Il est important de rester active pendant la grossesse et la période postnatale pour toute une série de raisons et, heureusement, les conseils sur la manière de le faire ne manquent pas. D’une manière générale, pour celles qui n’ont pas de problème de santé pendant la grossesse, la plupart des directives internationales en matière de santé recommandent au moins 150 minutes d’exercice d’intensité modérée par semaine. Cela veut dire un mouvement qui vous permet d’augmenter votre rythme cardiaque et de transpirer (peut aller d’une marche rapide à un jardinage actif) pendant environ 25 minutes, 6 jours par semaine.
Ces lignes directrices représentent un point de référence idéal pour promouvoir des grossesses actives chez les femmes de la population générale, mais elles ne sont pas aussi adaptées aux athlètes de haut niveau, dont le corps est habitué à s’entraîner à des intensités et à des volumes nettement plus élevés.
Un manque notable de recherche sur l’entraînement des athlètes d’élite pendant la grossesse et la période postnatale a laissé les athlètes féminines avec peu de conseils ou d’orientation pour faire face à un tel exploit. Dans nos recherches antérieures, nous avons constaté que les athlètes d’élite enceintes devaient s’en remettre à l’expérience et aux conseils d’autres athlètes d’élite enceintes ou mères, de leur propre équipe de soins de santé ou de diverses sources en ligne.
Pour répondre aux préoccupations de la communauté sportive, le Comité international olympique (CIO) a créé un groupe d’experts sur la grossesse, qui a vraiment insisté sur la nécessité de mener davantage de recherches dans ce domaine, et nous y avons répondu.
Nous avons mené une étude de recherche qui a été publiée dans Medicine & Science in Sports & Exercise (MSSE) en août 2022 et soulignée dans le magazine Outside. Cette étude, la première du genre, a permis d’évaluer les résultats de l’entraînement et de la performance pendant la grossesse et la période postnatale de 42 coureuses de fond d’élite et de classe mondiale. Plus de 50 % de nos participantes ont participé aux Jeux olympiques ou aux championnats du monde, y compris des médaillées sur des distances allant du 1 500 m au marathon.
Nous nous sommes concentrés sur deux facteurs principaux :
- Entraînement : Par l’entremise de questionnaires, ces coureuses d’élite et olympiques ont partagé leurs informations d’entraînement avant (1 an avant), pendant (premier, deuxième et troisième trimestres) et après la grossesse. Ces informations portaient sur le volume, l’intensité et le type d’entraînement.
- Données sur les performances : Nous avons analysé les performances des compétitions avant et après la grossesse en comparant la période de -1 à -3 ans avant la grossesse à la période de +1 à +3 ans après la grossesse, à l’exclusion de l’année de la grossesse.
Principales conclusions
Ces coureuses d’élite ont réduit le volume et l’intensité de leur entraînement du premier au troisième trimestre de leur grossesse. Elles ont également eu un rythme d’entraînement moyen significativement plus faible (elles ont couru moins vite) pendant leur grossesse qu’avant.
Il est intéressant de noter que si elles ont passé moins de temps à courir, elles ont en revanche augmenté le temps consacré à l’entraînement croisé. Mais même à leur niveau d’entraînement le plus bas, soit environ 300 à 350 minutes d’exercice total par semaine au cours du troisième trimestre (principalement de l’entraînement croisé), les athlètes dépassaient encore largement les 150 minutes hebdomadaires recommandées pour les femmes enceintes.
La plupart des participantes ont repris un certain niveau d’exercice environ 6 semaines après l’accouchement et ont atteint 80 % de leur volume d’entraînement d’avant la grossesse au bout de 3 mois. Il est important de noter la variabilité entre les individus en fonction des blessures et des objectifs de performance.
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Près de la moitié des participantes ont signalé une blessure au cours de la première année suivant l’accouchement, qui a retardé leur retour à l’entraînement ou à la compétition. Cependant, il n’y avait pas de lien entre le risque de blessure et le type d’approche de l’entraînement ou le type d’accouchement (vaginal ou par césarienne).
Lorsque nous avons examiné les données relatives aux performances en compétition, il n’y avait pas de différence entre les niveaux de performance avant et après la grossesse pour les 60 % de participantes qui visaient à retrouver des niveaux de performance équivalents. En fait, près de la moitié de ces athlètes ont amélioré leurs performances après la grossesse. Cela montre que les athlètes féminines peuvent revenir à des niveaux d’élite ou de classe mondiale après l’accouchement, et que nombre d’entre elles courent même plus vite qu’avant la grossesse.
Si ces résultats sont extrêmement bénéfiques pour les athlètes d’élite, ils sont tout aussi importants pour les nombreux membres de l’équipe qui accompagnent les athlètes pendant la grossesse, le post-partum et les phases de retour à la performance, notamment leurs entraîneurs et les professionnels de la santé (par exemple, les médecins, les physiothérapeutes, les physiologistes, les nutritionnistes). Nous espérons également que ces résultats de recherche encourageront les commanditaires sportifs, les instances dirigeantes du sport et les décideurs politiques à repenser leurs idées préconçues et dépassées sur la grossesse et le retour au sport, car il est temps de suivre le rythme de ces incroyables athlètes féminines.
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Le groupe d’experts du CIO sur la grossesse a recommandé que l’entraînement des athlètes d’élite pendant la grossesse et la période postnatale soit individualisé dans tous les sports et au sein de chaque sport. La principale leçon de notre recherche est que les coureuses de fond peuvent non seulement revenir à un niveau sportif d’élite après une grossesse, mais, si elles en ont l’intention, elles peuvent revenir plus vite!
Il est également essentiel de noter l’importante variabilité individuelle dans les résultats du retour à l’entraînement et à la compétition. Afin de continuer à aborder la question de l’égalité des genres dans le sport et de remettre en question les hypothèses selon lesquelles la grossesse et le sport de haut niveau ne sont pas compatibles, il est nécessaire de mener davantage de recherches, dans une variété de sports.