Ce blogue s’inscrit dans le cadre d’une série créée en collaboration avec le Comité paralympique canadien et le Groupe de travail sur le transfert des athlètes paralympiques et met en avant les possibilités et les défis associés au transfert des para-athlètes et à la pratique de plusieurs sports
En 2006, Robbi Weldon est tombée par hasard sur un numéro de Abilities Magazine. Le magazine arborait en couverture une photo du paracycliste Brian Cowie et comportait un article sur le skieur paranordique Brian McKeever et son frère et guide, Robin McKeever. Les deux Brian avaient le même trouble oculaire que Weldon, la maladie de Stargardt.
Sportive accomplie (elle affectionne particulièrement le ski alpin, le goalball et le soccer et a même établi des records du monde en dynamophilie étant jeune), Weldon venait là de mettre le doigt sur son prochain défi. Quelques mois plus tard, elle battait le meilleur athlète paranordique national de l’époque et était bien partie pour faire partie d’Équipe Canada lors des Jeux paralympiques de 2010.
Mais ses rêves paralympiques ne se limitaient pas au ski paranordique. Environ un an après ses débuts, l’entraîneur national de paracyclisme a en effet demandé à Weldon si elle aimerait essayer le cyclisme en tandem. À peine deux semaines après sa toute première participation aux Jeux paralympiques avec l’équipe de ski paranordique, Weldon a donné suite à Cyclisme Canada. Et c’est ainsi que sa carrière de double athlète a commencé.
Au total, Weldon a participé à quatre éditions des Jeux paralympiques : deux d’hiver et deux d’été. Et seulement six ans après avoir feuilleté par hasard ce numéro de Abilities Magazine, elle a remporté une médaille d’or en cyclisme sur route avec sa guide, Lyne Bessette, en 2012.
Entraîner un athlète pratiquant deux sports
Weldon raconte que ses années les plus prolifiques comme cycliste, elle les a connues lorsqu’elle s’entraînait aussi en ski. Ça ne fait aucun doute dans son esprit. Mais convaincre son entraîneur cycliste, ça a été une autre paire de manches.
« Mon entraîneur cycliste était fermement opposé à toute forme d’entraînement musculaire. Il voulait que tout se fasse à vélo. Les McKeever s’intéressaient eux aussi au cyclisme, donc ils comprenaient les avantages que ça présentait pour la pratique du ski. Il a vraiment fallu que je demande à Robin [l’entraîneur de ski paranordique de l’époque] de rencontrer mon entraîneur cycliste pour lui faire changer d’avis, se remémore Weldon. Mais lorsque j’ai mis fin à ma carrière de skieuse alpine, en 2015, mes dernières années comme cycliste n’ont pas été aussi prolifiques qu’à mes débuts. »
Pour Weldon, pratiquer deux sports n’est pas seulement difficile parce qu’il faut trouver un juste équilibre entre deux calendriers d’entraînement, mais parce qu’il faut aussi s’occuper de ses deux enfants tout en continuant à travailler à l’hôpital. Elle avait besoin d’un entraîneur flexible qui puisse la soutenir à la fois comme athlète et comme parent.
« Les entraîneurs doivent ajuster les entraînements. Je faisais une séance d’entraînement avant d’aller travailler et une autre après avoir mis mes enfants au lit. J’emmenais mes enfants avec moi aux camps d’entraînement et ça ne posait pas de problèmes aux entraîneurs », raconte-t-elle.
Christina Picton, une de ses camarades qui pratique elle aussi deux sports, confirme que l’attitude des entraîneurs et leur soutien peuvent faire toute la différence lorsque l’on découvre un nouveau sport. Picton est une célébrité dans le monde du para-hockey sur glace canadien depuis 2010. Elle a été capitaine de l’équipe nationale féminine de para-hockey sur glace et a été la première femme à tenter d’intégrer l’équipe masculine.
En 2018, un athlète qu’elle entraînait dans le cadre d’un programme intitulé « Apprenez à faire de la luge » lui a suggéré de s’intéresser au ski paranordique. Après avoir, dans un premier temps, rejeté l’idée, Picton, qui souffre d’une maladie congénitale qui affecte ses deux jambes, a fini par arpenter les pistes. Quelques semaines plus tard, elle participait à sa première course de ski paranordique avant, un an plus tard, de passer sur le circuit international et de décrocher une place dans l’équipe canadienne pour les Jeux paralympiques de 2022.
« Tara [Chisholm], mon entraîneuse de hockey, a vu que j’avais la possibilité de participer à des compétitions de haut niveau et de progresser énormément en tant qu’athlète. Elle a compris que c’était ma porte d’entrée pour les Jeux paralympiques. Elle savait que c’était mon rêve et m’a soutenue sans réserve », se remémore Picton.
Sa deuxième entraîneuse, Patti Kitler, qui a d’une certaine façon « pâti » de la décision prise par Picton, a néanmoins soutenu la relation qu’elle entretenait avec le hockey, et l’a encouragée à continuer à pratiquer les deux sports aussi longtemps qu’elle le souhaitait.
Transfert d’aptitudes d’un sport vers un autre
En passant du para-hockey sur glace au ski paranordique, Picton affirme que ce ne sont pas seulement ses aptitudes physiques qui ont été transférées, mais aussi les aptitudes mentales acquises en participant à des compétitions de haut niveau dans un sport différent.
« Aux Jeux paralympiques, un rêve que je caressais depuis de nombreuses années, l’une des entraîneuses m’a dit : “Wow, tu t’en sors si bien! Tu ne sembles même pas nerveuse” se souvient Picton. J’étais incroyablement excitée d’être là, mais j’étais calme. Et je pense que cela vient des situations de haute pression que j’avais vécues en hockey. »
Pratiquer plusieurs sports a de nombreux avantages dont Cindy Ouellet, quintuple paralympienne et athlète multisports, ne manque pas de profiter. Triple paralympienne, Ouellet était d’ores et déjà une athlète accomplie au sein du programme canadien de basket-ball en fauteuil roulant lorsqu’elle a ajouté des sports d’hiver à son programme d’été. Elle s’est mise au ski paranordique en 2017 et a progressé rapidement. Il ne lui a fallu qu’un an environ avant qu’elle ne signe sa quatrième participation aux Jeux paralympiques, en 2018.
Ouellet, qui est également une boxeuse et une athlète de CrossFit accomplie, a pour le moment mis un terme à son parcours en ski paranordique, mais pas parce qu’elle en a fini avec les sports d’hiver. Ouellet a les yeux rivés sur le para-hockey sur glace. Elle va participer au tout premier tournoi de para-hockey sur glace sanctionné par le Comité international paralympique, le World Challenge, avec Team World en août.
Comme Brianna Hennessy l’a décrit dans un article précédent, pour Ouellet, la combinaison poussée-traction du basket-ball en fauteuil roulant et du ski paranordique était complémentaire, bien qu’elle s’identifie davantage comme une athlète axée sur la puissance. La transition vers le hockey s’est faite sans difficulté, en partie parce que le planter du bâton de ski est un mouvement similaire à celui qui permet de faire avancer une luge sur la glace. Mais comme le basket-ball en fauteuil roulant, le hockey est un sport d’équipe axé sur la puissance.
« Je pense aussi que le fait que je pratique la boxe et que je fasse du CrossFit renforce ma force physique. Tout se transfère d’une manière ou d’une autre, ajoute Ouellet. Je suis fermement convaincue qu’il est préférable de pratiquer plusieurs sports plutôt que de se spécialiser. »
Il n’y a pas qu’un chemin qui mène à la réussite
Weldon, Picton et Ouellet comptent à elles trois 10 participations aux Jeux paralympiques. Les trois femmes sont des athlètes multisports depuis leur enfance et toutes trois ont représenté le Canada en ski paranordique.
À première vue, leurs expériences avec le système parasportif canadien peuvent sembler similaires. Mais ce que leurs histoires montrent, c’est qu’il n’y a pas qu’une seule « bonne » façon de progresser dans le sport, qu’il soit para ou non.
« N’oubliez pas de prendre soin de votre santé mentale et de votre santé physique pour éviter le surmenage, conseille Ouellet. La pratique de plusieurs sports génère beaucoup de pression et de stress, alors assurez-vous de vous appuyer sur votre système de soutien, y compris votre administrateur de la haute performance et vos entraîneurs, et assurez-vous que tout le monde est sur la même longueur d’onde. »
Pour les autres athlètes qui envisagent de pratiquer plusieurs sports ou de passer d’un sport à un autre, les expériences de Weldon, Ouellet et Picton montrent qu’il est important que les entraîneurs fassent preuve de flexibilité et de collaboration et que le système sportif permette aux athlètes féminines de réaliser leur potentiel.
Selon Picton, il n’y a aucun inconvénient à essayer quelque chose de nouveau. « Si vous n’essayez pas, vous ne saurez jamais, n’est-ce pas? Il se peut que vous vous plantiez ou que vous n’aimiez pas ça, mais vous pourriez aussi découvrir quelque chose que vous aimez vraiment. »
Pour d’autres histoires de transfert d’athlètes para, consultez nos profils sur Alex Hayward, Brianna Hennessy et Liam Hickey.