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La collaboration des entraîneurs : le gage d’un transfert d’athlète réussi

Ce blogue fait partie d’une série créée en collaboration avec le Comité paralympique canadien et le groupe de travail sur le transfert des athlètes paralympiques, qui met en lumière les possibilités et les défis du transfert des athlètes paralympiques et de la participation multisports.

Comme le reste d’entre nous, Alexandre Hayward a été confiné chez lui pendant des mois à cause de la COVID-19. Le jeune homme, qui était membre de l’équipe nationale junior de basketball en fauteuil roulant, s’est retrouvé aux prises avec les mêmes problèmes que les autres athlètes canadiens de tous les niveaux et de presque tous les sports : la fermeture des gyms, des piscines, des patinoires et des autres salles d’entraînement. Dans les circonstances, c’était très difficile de continuer à s’entraîner.

Après une blessure à la moelle épinière subie en jouant au hockey en 2012, il a rapidement gravi les échelons en basketball en fauteuil roulant. En 2017, il était nommé capitaine de l’équipe nationale canadienne des moins de 23 ans et athlète de l’année de Basketball en fauteuil roulant Canada. Pendant la pandémie, il a eu besoin d’un exutoire pour son énergie compétitive.  

C’est alors qu’il s’est mis au cyclisme.  

« Quand je jouais au hockey avant mon accident, j’étais déjà passionné de cyclisme. Je suis assez mobile, mais à cause de mon accident, récupérer me demande beaucoup de temps. [Après avoir fait du vélo], ça me prend quelques jours pour revenir à la normale. Quand je m’entraînais en basketball en fauteuil roulant, je n’avais pas vraiment le temps d’en faire », raconte-t-il. 

Le confinement lui a finalement permis de prendre le temps de récupérer, et en retour, le cyclisme l’a aidé à se tenir en forme même si les salles d’entraînement étaient fermées. Pour son entraîneur, Michael « Frog » Frogley, c’était évident qu’il fallait encourager sa passion pour le cyclisme. 

Plus Alex en faisait, plus il aimait ça. Vite, d’autres personnes ont remarqué qu’il avait un certain talent et même beaucoup de talent. 

« Parasport Nouveau-Brunswick m’a dit qu’il y avait un joueur de basketball en fauteuil roulant de la région qui venait de gagner une course de vélo de montagne à Fredericton », raconte Guillaume Plourde, alors entraîneur chez Cyclisme Canada. « Je me suis demandé s’il ne serait pas admissible au paracyclisme. » 

L’entraîneur a donc contacté le nouveau cycliste et peu après, il s’est retrouvé à parler à son collègue pour discuter de son entraînement, de son potentiel et de ses progrès dans un sport comme dans l’autre. 

L’athlète souligne que la volonté de coopérer de ses deux entraîneurs a complètement changé la donne. 

Team Canada wheelchair basketball athlete in competition« Il ne faut pas oublier que j’avais un brevet de joueur de basketball en fauteuil roulant quand j’ai commencé le cyclisme. Je ne veux pas dire que c’était la décision de Frog et de la façon dont il a décidé de gérer la situation, mais il y est pour beaucoup. Il avait été contre mon projet d’essayer le cyclisme, ça aurait été très difficile de lui dire non », se souvient-il. 

Empêcher les athlètes d’explorer leurs pleines capacités, quitte à perdre un joueur talentueux, va à l’encontre des principes de l’entraîneur de l’équipe de basketball en fauteuil roulant. 

« Ma philosophie est de maximiser le potentiel des athlètes et des équipes de manière holistique. C’est-à-dire leur potentiel en basketball en fauteuil roulant, mais aussi dans le reste de leur vie. Mon but est de les aider à aller au bout d’eux-mêmes dans leurs études, dans leur travail et dans leur vie de tous les jours. Pour cette raison, je suis naturellement prédisposé à ce que les athlètes expérimentent », explique-t-il.

L’entraîneur de paracyclisme a l’habitude de collaborer avec d’autres entraîneurs parce que plusieurs des athlètes avec qui il travaille viennent d’un autre sport. Le « transfert d’athlète » est le terme employé quand un athlète choisit de pratiquer un autre ou un deuxième sport. Guillaume Plourde est parfaitement conscient que le cyclisme est un sport « receveur » et il a donc un point de vue particulier sur la situation.  

« C’est toujours une bonne idée d’entretenir de bonnes relations avec les entraîneurs et entraîneuses des autres sports. Ça permet à tout le monde de se perfectionner et ça nous encourage à communiquer au lieu d’être possessif de nos athlètes », explique l’ancien entraîneur qui vient d’accepter un poste au sein du Comité paralympique canadien (CPC). 

Michael Frogley, qui vient du basketball en fauteuil roulant, un sport souvent « donateur », est entièrement d’accord avec lui. En fait, l’idée d’un sport « donateur » lui déplaît. Il préfère sport « d’opportunité » ou sport « de développement ». 

« Je pense que c’est très important de comprendre que le premier sport joue un grand rôle parce que c’est une expérience positive qui donne envie à un ou une athlète de continuer à en faire », ajoute-t-il. 

Parce que les deux entraîneurs étaient prêts à travailler ensemble, le jeune athlète n’a pas eu de problème à faire concorder son entraînement en basketball en fauteuil roulant et en paracyclisme tout en étudiant en génie.  

« Pour Guillaume et moi, les études d’Alex sont très importantes, et nous en avons tenu compte dans l’équation », insiste-t-il. 

Mais après un été complet à se consacrer au basketball en fauteuil roulant à temps plein à Toronto, le joueur s’est remis en question. 

« C’est le meilleur été que j’ai jamais connu en basketball. Je n’ai jamais aussi bien joué, mais je n’avais plus de plaisir », avoue-t-il. Après une bonne conversation avec ses entraîneurs, il en est venu à la conclusion qu’il valait mieux se consacrer entièrement au cyclisme. 

Lors de sa première course contre la montre, il a réussi le temps demandé pour faire de la compétition au niveau national. À Edmonton en juin, pour ses premiers championnats canadiens, il a causé la surprise en remportant la course contre la montre et en se qualifiant pour la Coupe du monde et pour les Championnats du monde du mois d’août disputés à Québec. Il voit sa première année de compétition d’élite comme une épreuve du feu.  

« On peut dire que je suis maintenant un cycliste », s’esclaffe-t-il. 

L’entraîneur de l’équipe de basketball en fauteuil roulant souligne qu’on doit son développement initial au travail de ses premiers entraîneurs au Nouveau-Brunswick. Le programme de Basketball en fauteuil roulant Canada a permis à Alex de développer ses capacités physiques, tactiques et psychologiques, et de s’entourer d’athlètes d’élite.  

« Sans cette préparation, Alex n’aurait jamais été sur la voie du podium aussi rapidement après son transfert. À mon avis, ce n’est pas une perte pour le basketball en fauteuil roulant. Nous avons plutôt contribué au succès d’un athlète », fait-il observer. 

Male swimming coach watching his swimmer practice at an outdoor pool.L’athlète et les deux entraîneurs veulent encourager les autres fédérations sportives où il y a des transferts à comprendre le rôle fondamental qu’ils jouent en donnant la chance de se faire une première expérience sportive. Michael Frogley note que la paranatation, comme le basketball en fauteuil roulant, voit aussi un grand nombre de transferts. « C’est une grande réussite parce que sans les fondements de la natation, les athlètes ne connaîtront pas autant de succès en se mettant, disons, au paratriathlon. » 

Le nouveau cycliste conseille aux autres athlètes qui songent à se lancer d’être ouverts et honnêtes avec leur entourage.  

Et aux entraîneurs et entraîneuses dont les athlètes sont intéressés par un transfert, Guillaume Plourde conseille de se demander ce qu’il y a de mieux pour l’athlète et si une exposition à un autre sport leur permettrait de s’améliorer. 

Même s’il n’est plus son entraîneur, Michael Frogley tient à l’œil les progrès de son ancien protégé en discutant avec lui de ses résultats et en décortiquant chacune de ses courses, comme il le faisait après un match.  

Il explique : « Le plus important conseil qu’on m’ait jamais donné est le suivant : comment faire pour savoir que les athlètes sont heureux? C’est facile : ils sourient. Quand vos athlètes sourient, c’est qu’on est bien partis. » 

Quand il s’est rendu à Québec pour assister aux courses des championnats canadiens, il a constaté toute la brutalité du paracyclisme. « Il faut apprendre à passer un long moment avec la douleur. Je regardais les athlètes à la fin d’une course et ils se décomposent sur le trottoir. Alex était là et il était tout sourire. » 

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