Les sports sont souvent célébrés pour leurs bienfaits physiques, mais ils jouent également un rôle crucial dans la santé mentale. La pratique d’un sport peut améliorer l’humeur, soulager le stress et favoriser un sentiment d’appartenance (Bruner et coll., 2018; Panza et coll., 2020). Toutefois, si ces avantages sont bien documentés, ils ne sont pas toujours garantis. En fait, la pratique d’un sport peut parfois entraîner des problèmes de santé mentale (Walton et coll., 2021). Que vous soyez un guerrier de la fin de semaine, un athlète de haut niveau ou quelqu’un qui joue de façon récréative, la pression de la performance, le risque de blessures et l’équilibre constant entre le sport et les autres exigences de la vie peuvent entraîner du stress, de l’anxiété et de la dépression (Reardon et coll., 2019; Wu et coll., 2022). En outre, l’environnement sportif peut exposer les participants à des abus psychologiques, à de l’intimidation et à des compétitions malsaines, qui peuvent tous contribuer à des résultats négatifs en matière de santé mentale (Nery et coll., 2019).
Pour les jeunes participants, les pressions peuvent être encore plus intenses. Les jeunes sportifs sont fortement influencés par leur entourage, comme leurs coéquipiers, leurs entraîneurs et leurs parents ou tuteurs. Dans certains cas, la pression des pairs peut conduire à des comportements à risque, comme la consommation de substances, simplement pour s’intégrer à leurs pairs (Smith et Ullrich-French, 2020). Les entraîneurs, en particulier, jouent un rôle important dans la santé mentale des jeunes athlètes. Un entraîneur qui ne crée pas un environnement sûr et favorable peut involontairement contribuer à des problèmes tels que l’anxiété, la dépression et même les troubles de l’alimentation (Ohlert et coll., 2019; Vertommen et coll., 2018). En outre, les athlètes pourraient être moins enclins à parler de leurs problèmes de santé mentale s’ils ne se sentent pas soutenus par leurs entraîneurs (Bissett et coll., 2020). En revanche, les entraîneurs qui privilégient les interactions positives et encouragent la recherche d’aide sont mieux placés pour soutenir le bien-être de leurs athlètes.
Protection de la santé mentale dans le sport de haut niveau et le sport de loisir
Les problèmes de santé mentale existent à tous les niveaux du sport, mais il y a une grande différence entre les systèmes de soutien dans les milieux récréatifs et les milieux d’élite. Les programmes de sport d’élite sont souvent mieux équipés pour traiter les problèmes de santé mentale car ils ont accès à des ressources telles que des psychologues du sport, des consultants en performance mentale, des équipes médicales et des programmes complets de santé mentale (Henriksen et coll., 2020). Ces ressources aident les athlètes d’élite à gérer la pression psychologique qui accompagne la compétition de haut niveau.
D’autre part, les sports de loisir ne disposent généralement pas de ces ressources, ce qui entraîne des lacunes dans la protection de la santé mentale des participants. Les athlètes de loisir sont souvent confrontés à des risques similaires en matière de santé mentale, comme le stress, l’anxiété liée à la performance et la récupération après une blessure, sans avoir accès au même niveau de soins. Sans le même niveau d’investissement et d’attention que les sports d’élite, les athlètes de loisir et les parties prenantes risquent d’être confrontés à des problèmes de santé mentale non traités. Cette lacune souligne la nécessité de mettre en place des initiatives plus solides en matière de santé mentale dans ce secteur. Idéalement, le sport de loisir devrait être considéré comme une occasion non seulement de protéger la santé mentale des participants, mais aussi d’améliorer leur bien-être (Vella et coll., 2022).
Des recherches récentes montrent que les sports pour les jeunes dans de nombreux pays, y compris le Canada, ne protègent souvent pas les participants contre diverses formes d’abus (Kerr et coll., 2020). Pour s’attaquer efficacement aux problèmes de santé mentale dans les sports récréatifs, il faut adopter une approche systémique qui implique tout le monde, des organisations sportives nationales et des organismes gouvernementaux aux clubs communautaires, en passant par les organismes dirigeants régionaux et d’autres personnes telles que les athlètes, les parents et les entraîneurs. Malheureusement, le secteur du sport communautaire, où le plaisir et les loisirs devraient être au centre des préoccupations, manque souvent d’une stratégie unifiée et fondée sur des données probantes pour promouvoir la santé mentale et le bien-être. De nombreux organismes sportifs déclarent également manquer de ressources et de formation et ne pas savoir comment mettre en œuvre les mesures les plus élémentaires pour garantir un environnement sûr et sain à leurs participants (Whitley et coll., 2018). Pour créer des lignes directrices efficaces visant à protéger la santé mentale des participants aux sports récréatifs, il est essentiel qu’elles s’alignent sur la culture unique des sports, les ressources disponibles et les besoins spécifiques des clubs et des organisations sportives au Canada. Cette approche permettra de s’assurer que les lignes directrices sont non seulement pratiques, mais aussi réalisables, ce qui contribuera en fin de compte à créer des environnements sportifs plus sûrs et plus favorables pour toutes les personnes concernées.
L’expérience de l’Australie
L’Australie est un pays qui ouvre la voie en abordant la question de la santé mentale dans les sports récréatifs. Au Canada, l’environnement du sport récréatif est similaire à celui de l’Australie, avec des taux de participation élevés et un accent tout aussi fort sur les avantages physiques et sociaux du sport (Aubert et coll., 2018). L’Australie a récemment fait œuvre de pionnier en élaborant des lignes directrices en matière de santé mentale pour les sports récréatifs, reconnaissant la nécessité de créer des environnements psychologiquement sûrs pour tous les participants (Liddelow et coll., 2022; 2024). Le protocole d’élaboration de ces lignes directrices a suivi les recommandations du Conseil national de la santé et de la recherche médicale intitulées Lignes directrices pour les lignes directrices, ce qui a permis de garantir un processus rigoureux et inclusif (Conseil national de la santé et de la recherche médicale, 2019).
Examen des méthodes utilisées en Australie
L’élaboration des lignes directrices australiennes en matière de santé mentale pour les sports de loisir a été un processus méticuleux, en plusieurs phases, fondé sur des pratiques factuelles. Il a débuté par deux examens systématiques qui ont joué un rôle essentiel dans l’identification des lacunes dans les connaissances et des pratiques efficaces en matière de soutien à la santé mentale dans le sport (Sutcliffe et coll., 2024; Vella et coll., 2021). Le premier examen a porté sur toutes les prises de position et lignes directrices existantes en matière de santé mentale dans le sport dans la littérature scientifique. Elle a trouvé 13 lignes directrices distinctes couvrant différents niveaux d’athlètes, de l’école olympique à l’école secondaire, et a identifié six domaines clés pour l’élaboration de lignes directrices en matière de santé mentale dans le sport, notamment la création de plans de santé mentale et la fourniture d’un soutien lors d’événements à haut risque (Vella et coll., 2021).
La deuxième étude a examiné 19 interventions différentes en matière de santé mentale dans les sports de loisirs. Ces programmes, qui vont des programmes psychoéducatifs aux thérapies alternatives comme l’acupuncture, ont montré des effets positifs faibles à moyens sur la réduction de l’anxiété et du stress, tout en renforçant les connaissances en matière de santé mentale et en réduisant la stigmatisation (Sutcliffe et coll., 2024). L’une des conclusions importantes de cette étude est que si les interventions ont eu des degrés de réussite variables, il est difficile de tirer des conclusions significatives en raison de la diversité des approches. Néanmoins, les résultats ont fourni une base solide pour comprendre les lignes directrices et les programmes actuellement disponibles en matière de santé mentale dans le sport australien.
Donner la parole à toutes les personnes impliquées dans le sport, des participants aux experts
En plus d’examiner la documentation, l’équipe australienne a demandé l’avis des personnes les plus concernées par les lignes directrices : les athlètes, les entraîneurs et les représentants des organismes de sport. Des groupes de discussion ont été organisés avec des participants dans toute l’Australie, y compris dans les villes et les régions, afin de recueillir des idées sur ce qui devrait être inclus dans les lignes directrices en matière de santé mentale pour les clubs sportifs (Liddelow et coll., 2022). Les discussions ont porté sur des questions clés telles que la nécessité de lignes directrices en matière de santé mentale dans le sport, ce qu’elles devraient couvrir et le contenu spécifique qu’ils souhaiteraient y voir figurer.
Des experts ont également été invités à affiner les lignes directrices. Vingt professionnels des domaines de la santé mentale et du sport, dont des psychologues cliniciens, des universitaires et des représentants de différents niveaux d’organisations sportives, ont participé à une série de discussions pour aider à façonner le contenu des lignes directrices. Une série de questions ouvertes et d’exercices de recherche de consensus ont permis de dégager 13 énoncés clés, axées sur la promotion de la santé mentale, la prévention et les responsabilités des différents niveaux de gouvernance du sport. Les 13 énoncés générés sont les suivants (voir Liddelow et coll., 2024) :
Rôle des organismes de sports récréatifs :
- Obligation pour tous les adultes qui travaillent avec des enfants de suivre une formation sur les connaissances en matière de santé mentale.
- Formation obligatoire à la santé mentale pour les autres membres du club qui assument ensuite un rôle de responsable de la santé mentale ou de premier intervenant.
- Les clubs doivent proposer des programmes de sensibilisation à la santé mentale à tous leurs membres.
- Les clubs doivent normaliser les conversations sur la santé mentale et fournir un espace sûr pour ces conversations.
- L’environnement sportif doit être exempt de toute atteinte psychologique (par exemple, intimidation, harcèlement, détresse, pression).
- Les sports doivent inclure un environnement psychologiquement sain qui favorise la santé mentale (par exemple, l’activité physique, les liens sociaux, l’inclusion, l’engagement communautaire, l’alimentation saine).
- Les programmes de formation des entraîneurs devraient proposer des approches de l’entraînement fondées sur des données probantes.
- Les adultes et les bénévoles au sein des clubs doivent savoir comment reconnaître et orienter les personnes vers les prestataires de services appropriés dans leur état ou leur région.
Responsabilités :
- Les organismes sportifs nationaux devraient être responsables de l’élaboration et de la diffusion des politiques et des ressources relatives à la prévention, à la promotion et aux soins de la santé mentale dans le sport de masse.
- Les organismes sportifs nationaux devraient créer des partenariats avec des prestataires externes de services de santé mentale.
- Les organismes sportifs nationaux devraient être chargés d’organiser et de mettre en œuvre des programmes d’éducation et de formation à la santé mentale dans les associations et les clubs.
- Les organismes sportifs nationaux et les associations devraient tous deux être chargés de contrôler et de veiller à ce que les associations et les clubs mettent en œuvre les politiques recommandées par les organismes sportifs nationaux.
- Il incombe aux clubs de mettre en œuvre les politiques de prévention, de promotion et de soins de la santé mentale et les ressources qui leur sont fournies.
Des énoncés aux actions
Après l’élaboration de ces premiers énoncés, l’équipe australienne s’est engagée dans trois composantes supplémentaires pour finaliser les lignes directrices en matière de santé mentale (Liddelow et coll., 2022). Pendant deux jours, un comité d’experts en lignes directrices a été recruté et a examiné les données probantes, intégré les commentaires des participants et affiné la portée et l’objectif des lignes directrices. Chaque thème de ligne directrice proposé a été discuté et soumis à un vote confidentiel en temps réel, avec l’exigence qu’au moins 80 % du comité soit d’accord avant qu’une ligne directrice puisse être acceptée. En l’absence de consensus, la discussion s’est poursuivie, suivie d’un nouveau vote. La phase finale du processus a consisté à tester les lignes directrices dans des clubs de sports récréatifs en Australie pendant une saison sportive régulière (Liddelow et coll., 2022). Ce projet pilote, qui est en cours, suit un modèle d’étude de cas, où diverses sources de données ont été collectées pour comprendre comment les lignes directrices ont été naturellement mises en œuvre au sein des organisations sportives. Tout au long de la saison, des sondages sont menés à plusieurs moments pour évaluer la sensibilisation des participants aux clubs et l’efficacité des lignes directrices. En outre, des entretiens de suivi avec des groupes de discussion sont menés avec des membres de chaque club.
Pourquoi le Canada devrait suivre l’exemple
Le Canada a beaucoup à gagner de l’élaboration de lignes directrices en matière de santé mentale dans les sports récréatifs. La mise en œuvre de ces lignes directrices fournirait un processus clair aux athlètes, aux entraîneurs, aux parents et aux tuteurs pour les aider à reconnaître et à traiter leurs propres problèmes de santé mentale et ceux de leurs pairs (Vella et coll., 2021). Les entraîneurs, qui jouent un rôle important dans le façonnement de l’environnement sportif, bénéficieraient d’une formation à la reconnaissance des problèmes de santé mentale et à l’adoption d’approches fondées sur des données probantes pour créer des environnements inclusifs et psychologiquement sûrs, ou de la création d’un poste de champion de la santé mentale pour les aider à jouer ce rôle. Les parents, quant à eux, pourraient être rassurés de savoir que leurs enfants évoluent dans un environnement qui accorde la priorité à la santé mentale et au bien-être, ce qui les aiderait à mieux soutenir leur développement sportif et émotionnel.
Les officiels constituent un autre groupe du système sportif pour la jeunesse qui justifie une protection de la santé mentale (Lishman et coll., 2024). Souvent soumis à des pressions pour gérer l’esprit de compétition et les comportements problématiques, les officiels auraient des protocoles clairs à suivre en ce qui concerne leurs propres abus et tout ce dont ils sont témoins. Les membres de l’organisation, comme les administrateurs de club, bénéficieraient de politiques structurées qui favorisent la santé mentale, ce qui peut conduire à des taux d’engagement et de fidélisation plus élevés, ainsi qu’à un sentiment de communauté plus fort. Par exemple, un club qui normalise les conversations sur la santé mentale pourrait voir diminuer les cas d’intimidation et augmenter la cohésion, faisant du sport une expérience plus enrichissante pour tous.
Suggestions pratiques pour l’élaboration et la mise en œuvre des lignes directrices
Pour élaborer des lignes directrices efficaces en matière de santé mentale pour les sports récréatifs canadiens, il est nécessaire d’adopter une approche collaborative et inclusive au sein de la communauté sportive. Voici comment nous pouvons nous assurer que les lignes directrices sont à la fois efficaces et pertinentes :
- Faire participer toutes les personnes impliquées dans le sport : Il est important de faire participer les athlètes, les entraîneurs, les parents et les tuteurs, ainsi que les dirigeants de la communauté au processus d’élaboration des lignes directrices. Leurs points de vue et leurs expériences permettront d’élaborer des lignes directrices qui répondent véritablement aux besoins et aux préoccupations de toutes les personnes impliquées dans la communauté sportive.
- Célébrer la diversité du Canada : Les lignes directrices devraient refléter la riche diversité du Canada en incorporant des pratiques inclusives qui tiennent compte des différences culturelles, linguistiques et régionales à travers le pays. En célébrant la diversité, nous pouvons nous assurer que le soutien à la santé mentale est accessible et pertinent pour tous les participants, quelle que soit leur origine.
- Donner la parole aux dirigeants sportifs du Canada : La participation de membres de divers organismes nationaux, provinciaux et territoriaux de sport est essentielle. Ces dirigeants apportent des points de vue précieux à différents niveaux du sport, ce qui permet d’élaborer des lignes directrices pratiques et applicables à l’ensemble du milieu sportif canadien.
- Inclure des experts : Pour élaborer des lignes directrices équilibrées, il est important d’inclure des experts des domaines du sport et de la santé mentale. Leur expertise combinée garantit que les lignes directrices sont non seulement fondées sur les réalités du sport, mais aussi sur les dernières recherches et pratiques en matière de santé mentale.
Un appel à l’action
L’élaboration de lignes directrices en matière de santé mentale pour les sports récréatifs au Canada n’est pas seulement un ajout précieux au cadre existant de soutien aux athlètes, c’est une nécessité. En s’inspirant de l’approche australienne, le Canada peut prendre des mesures proactives pour créer des environnements sportifs qui sont non seulement sûrs sur le plan physique, mais aussi sur le plan psychologique (Vella et coll., 2021). Au fur et à mesure que nous avançons, l’accent doit être mis sur l’inclusion, le bien-être et la création d’expériences sportives positives pour tous les participants.
Il est temps que les organismes de sport, les décideurs politiques et les leaders communautaires canadiens s’unissent et accordent la priorité à la santé mentale de toutes les personnes impliquées dans le sport récréatif. En élaborant et en mettant en œuvre des lignes directrices complètes en matière de santé mentale, nous pouvons faire en sorte que le sport continue d’être une source de joie, de santé et de communauté pour les générations à venir.